L’économie circulaire est une idée séduisante qui repose sur trois principes fondamentaux : éliminer les déchets et la pollution, conserver les produits et les matériaux en usage et régénérer les systèmes naturels en utilisant des matériaux et des énergies renouvelables. L’industrie est invitée à bouleverser les règles du jeu en abandonnant la tradition linéaire “fabriquer-utiliser-jeter” au profit d’une approche idéalisée et plus durable où les produits sont rendus plus durables, continuellement réparés, remanufacturés, réutilisés et finalement recyclés.
Comme les efforts d’économie circulaire ont tendance à être à forte intensité de main-d’œuvre et visent donc à assurer l’efficacité des ressources, on affirme que leur adoption contribuera à créer des emplois et à augmenter la croissance économique (par exemple, l’UE estime à 700 000 le nombre de nouveaux emplois et à 0,5 % l’augmentation du PIB), positionnant davantage l’économie circulaire comme la stratégie gagnante.
Mais l’économie circulaire, également connue sous le nom d’économie durable, n’est pas exempte de critiques. Bien qu’ils fassent l’éloge des objectifs promus par l’économie circulaire, beaucoup remettent en question ses principes fondamentaux, son efficacité et sa faisabilité.
En particulier, la capacité du recyclage, de la conception pour la durabilité, de l’utilisation d’intrants de production renouvelables et de l’adoption de modèles d’utilisation alternatifs à limiter la consommation de matières premières et d’énergie de la société ne sont pas garantis.
– Économie circulaire: limites du recyclage:
Tous les matériaux se dégradent et se dispersent avec le temps et l’usage. Les fibres de textile et de papier, par exemple, sont réduites par le recyclage. Par conséquent, il est important de comprendre que les matériaux se déplacent à travers des réseaux d’approvisionnement très complexes et que les matériaux peuvent s’user à cause des mouvements circulaires répétitifs dans le processus du recyclage.
Par ailleurs, le recyclage et la réutilisation peuvent, dans certains cas, avoir des répercussions environnementales encore plus importantes que celles de la production à partir de ressources primaires.
L’Union européenne a identifié à elle seule 650 types de déchets différents, dont beaucoup sont eux-mêmes des mélanges complexes de différents produits provenant de centaines de producteurs.
De ce fait, les déchets sont inévitablement mélangés et traités mécaniquement en masse. Si l’un des maillons de la chaîne de recyclage devient trop complexe ou trop coûteux, ou simplement non viable, l’ensemble du flux risque d’être détourné vers les sites de décharge.
– Les limites des modèles de consommation alternatifs:
Une caractéristique importante de l’approche de l’économie circulaire est la tendance à abandonner la propriété matérielle au profit de services payables à l’usage. Parmi les exemples, citons la location de produits plutôt que leur achat et le partage par le biais de plateformes (comme le vélo et le covoiturage). Ces idées reposent sur l’hypothèse que, puisque les entreprises seraient responsables de l’ensemble des coûts du cycle de vie des produits, elles agiraient pour concevoir des produits plus durables, réparables et recyclables.
Toutefois, ces solutions sont loin d’être sans reproches.
Tout d’abord, un simple coup d’œil sur le marché automobile permet de douter des avantages environnementaux du leasing. Le client de la société de leasing utilise la voiture pendant 2 à 4 ans, puis la rend en échange d’un nouveau modèle même s’il fonctionne toujours parfaitement. La voiture est ensuite mise aux enchères et finalement vendue sur le marché des voitures d’occasion, ce qui n’est pas vraiment un modèle économique durable et écologique.
Par opposition à la propriété individuelle, les systèmes de mise en commun, comme pour les vélos de ville ou les outils de jardinage et de bricolage, peuvent contribuer à diminuer la nécessité de fabriquer de nouveaux produits et, par conséquent, à réduire la la consommation excessive de matières premières.
– Les limites de la durabilité:
En vue de réduire l’énergie et les matériaux nécessaires à la production initiale, les partisans de l’économie circulaire affirment que les produits doivent être conçus pour durer plus longtemps et qu’ils doivent être réutilisés et réparés dans la mesure du possible, le recyclage n’étant envisagé qu’en dernier recours.
Rendre les produits plus durables vise à prolonger leur durée de vie, ce qui réduit le nombre total de produits fabriqués au cours de leur durée de vie opérationnelle. Cependant, les consommateurs peuvent être sensibles à la mode et se lasser d’un produit bien avant la fin de sa durée de vie ; les nouvelles technologies peuvent rendre obsolètes des produits qui fonctionnent parfaitement (services de diffusion de musique et de films en continu, haut-parleurs intelligents connectés sans fil, systèmes domestiques connectés, etc.
Certes, la fabrication de nouveaux produits a généralement un impact environnemental plus important que la réparation ou la réutilisation de produits existants, et la fabrication de produits plus durables nécessite généralement des matériaux supplémentaires et/ou différents. Cependant, la réparation et la réutilisation ne remplacent pas toujours la vente de nouveaux produits.
Malheureusement, les recherches contemporaines ont révélé que l’économie circulaire peut entraîner des résultats involontaires et contre-productifs si elle n’est pas correctement évaluée en termes d’impacts environnementaux et de faisabilité pratique.
On estime aujourd’hui que la masse totale des matériaux fabriqués par les humains dépasse la totalité de la biomasse naturelle de la planète, et la quantité totale de déchets éliminés chaque année est tout simplement éclipsée par les volumes nécessaires à une nouvelle production. Se concentrer entièrement sur la gestion de la fin de vie des produits sans s’attaquer également au problème plus vaste et croissant de la surconsommation ne servirait donc absolument à rien.
L’économie circulaire représente donc une opportunité considérable pour un avenir écologique et soucieux de la gestion des ressources, mais tout comme l’économie linéaire, sans une approche inclusive et équitable, elle ne parviendra pas à apporter des avantages à l’ensemble de la société.